Vous avez peut-être vu l’info passer : les Galeries Lafayette lancent une petite collection de mode éco-responsable, le 24 août prochain : « Fashion Integrity ». Avec un tour de force : l’utilisation de coton bio dont la production a été tracée de A à Z, en Inde et Tanzanie (culture, égrenage et filage). Côté confection, le groupe a choisi des usines certifiées en Lituanie. Au programme, cinq pièces : trois t-shirts manches courtes, un t-shirt manches longues et une jupe. Ils seront vendus dans les 60 magasins Galeries Lafayette en France et sur le site internet du groupe, au BHV Marais et à Berlin, à des prix allant de 22 à 44 €. Sur les étiquettes, un QR code permet de connaître le détail des étapes de fabrication, ainsi qu’une rubrique « Fashion Integrity » sur le site des Galeries. L’idée, c’est d’exploiter des filières responsables pour chaque matière (la marque recherche actuellement une filière laine, lin et cachemire).
L’idée vient d’un challenge d’innovation organisé il y a 2 ans auprès de tous les collaborateurs du groupe Galeries Lafayette. Parmi les 550 propositions, c’est ce projet de responsabilité sociétale et environnementale qui a remporté la mise. À l’origine : Charlotte Dieutre, qui était à l’époque responsable du développement durable du groupe Galeries Lafayette, maintenant chargée de lancer l’accélérateur de startups du Groupe, et deux de ses collègues, Valerie Aigreault-Turcas et Alexis Abresti-Safarian. J’ai pu lui poser quelques questions à propos de « Fashion Integrity » mais aussi de la politique globale des Galeries.
Le coton est une filière particulièrement difficile à tracer. Comment avez-vous procédé ?
Quand on commande des T-shirts, on donne les caractéristiques techniques à l’usine, mais c’est elle-même qui achète le tissu. Ça se passe comme cela pour la plupart des marques, qui n’achètent pas le coton et ne font pas le filage. L’engagement que les enseignes peuvent donner, c’est la réalisation d’audits sociaux voire environnementaux dans les usines de confection.
Notre idée était d’établir d’où vient le coton dans ce T-shirt là. On a mis presque 9 mois à trouver la filière. On en a cherché une où l’on est sûrs que l’on peut suivre notre coton de A à Z. On a trouvé un partenaire suisse, BioRe. Il offrait déjà cette traçabilité pour des marques moins connues. On s’appuie sur BioRe pour l’achat, mais ce qui est très important quand on fait du coton bio, c’est d’être sûr que dans la ligne de production c’est bien votre coton qui sera à la fin dans votre t-shirt. On a pris en parallèle un partenariat avec FairTrace, qui est un outil de traçabilité qui intègre tous les documents et les informations. On a l’attestation comme quoi tant de tonnes sont rentrées pour les bobines, que ces tonnes sont ressorties à ce moment-là. On a les numéros par balle. Par ailleurs, les cotons tanzaniens et indiens ne sont pas mélangés dans les vêtements.
Pourquoi avoir choisi deux lieux de culture différents, l’Inde et la Tanzanie ?
Les cultivateurs de coton bio en Inde ne produisent pas de grandes quantités. C’est risqué s’il y a de mauvaises conditions climatiques. BioRe travaille donc aussi en Tanzanie (toujours du coton bio) pour être sûr d’avoir des quantités suffisantes.
Les deux lieux de production sont certifiés GOTS (écologie + social). Le filage se déroule dans une autre usine en Inde, toujours avec BioRe. Les deux usines indiennes sont également certifiées SA 8000 (social). On a vérifié tous les audits, on a demandé les axes d’amélioration. On a aussi redemandé un audit pour tout vérifier. Je suis allée visiter l’usine en Inde pour voir les conditions de travail et de sécurité. On a la garantie que chaque étape est bien contrôlée. BioRe a en plus une fondation qui permet aux enfants des cultivateurs d’aller à l’école. Ils ont un bus médical qui tourne dans les communautés. La démarche de BioRe est la même en Tanzanie.
Quelles sont les garanties au niveau de la confection, en Lituanie ?
Plus on réduit le nombre d’étapes, moins on a de risque. BioRe nous a proposé d’aller chez un de ses partenaires en Lituanie, une usine intégrée certifiée GOTS et SA 8000 qui rassemble les étapes de tissage, teinture et confection. Là aussi on a vérifié tous les éléments.
J’ai été surprise par les prix, pas très élevés au regard de tous vos engagements (de 22 à 44 €). Comment l’expliquez-vous ?
Les prix sont plus élevés que ceux de la collection Galeries Lafayette habituelle. En moyenne un T-shirt manches courtes de cette collection coûte 16 € quand le T-shirt « Fashion Integrity » est à 22 €. Et puis le stylisme a été fait en interne et on est sur des basiques. Pour nous c’était important de faire des produits mode et accessibles à tous. Les marges ne sont pas réduites pour autant, c’était important que ce ne soit pas un projet atypique.
Le groupe Galeries Lafayette souhaite devenir la « référence mondiale éthique et responsable ». Quels sont vos projets ?
Il y a déjà des projets de RSE sur l’énergie, les déchets, les dons, le transport etc. Au niveau de la mode, notre ambition est que demain tout le monde fasse du « Fashion Integrity ». On est en open data. On se sert de ce positionnement pour inciter les marques à suivre ce chemin. Au niveau plus global, on fait des « picking » aléatoires : on prend au hasard des produits de marques que l’on accueille et on fait des tests Reach (ndrl : un règlement européen qui contrôle les substances chimiques). Une marque qui ne respecte pas Reach ne peut pas rester. C’est la réglementation, mais ce n’est pas respecté par tout le monde. Il y a quatre ans, il n’y avait pas d’audits aux Galeries. Aujourd’hui on a rattrapé le retard. On a aussi un projet d’échange avec les marques sur comment faire avancer les choses. Plus il y aura de monde, plus il y aura de la demande et des cultivateurs qui font du bio. Je rêve que dans 20 ans on ne se pose pas la question savoir si son T-shirt est clean ou pas.
On voulait aussi que lors de l’acte d’achat, le client soit conscient de sa responsabilité en tant que consommateur, sans le culpabiliser bien sûr. Un QR code donne des indications pour l’entretien. Il devrait aussi y avoir des points de collecte pour le recyclage dans les Galeries Lafayette en 2017.
Info : il y aura d’autres produits à la fin de l’année et la marque prépare en ce moment la collection été 2017.
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● Mon avis ●
Je trouve donc l’initiative des Galeries très intéressante… Bien sûr, c’est une mini collection et le groupe n’est pas un modèle en matière de responsabilité sociale vu les marques qu’il vend. Mais au moins ça bouge avec ce genre de projets, et on est loin du greenwashing. Avec le manque d’usines en France, malheureusement, on ne peut avoir à la fois de la traçabilité, du made in France et des prix bas. D’ailleurs, je pense que vous l’avez remarqué, je ne suis pas un chantre du made in France. On vit dans une économie globalisée, où l’industrie textile offre des perspectives d’emploi dans de nombreuses régions du monde. Ce qui me semble capital aujourd’hui, c’est que les usines où sont produits nos vêtements répondent à un ensemble de critères sociaux et environnementaux. J’espère bien sûr que l’industrie textile se développe de nouveau en France, mais pour le moment les prix restent trop élevés pour permettre à tous ceux qui le voudraient de se vêtir de manière éthique.
À vous de me dire ce que vous pensez de cette initiative 🙂
7 Comments
Bonjour Manon, merci pour cet article, très interessant. J’étais sceptique au départ sur cette initiative mais j’avais confiance qu’un groupe comme les Galerie laFayette avec ses moyens aurait pu reussir dans ce projet, alors bravo!! Je partage entierement vos reflexions sur la mondialisation, l’environnement, le sociale, un peu moins votre discours sur le made en france.
De mon coté je continue a essayer de produire en france et en europe car entre autres raisons je pense que nous ne pouvons pas que être des pays de designers, commercants et offrir que de services. Produire et voir réalisér un vetement ça ne donne pas un grand salaire mais beaucoup de satisfactions à nos couturieres, alors aidons les à vivre de leur passion!! même si ça nous parait chèr.. si vous faites les calculs pour un t-shirt bio certifié et made en France qui coute 45-60€ notre couturière reçoit 2-3€ net pour environ 20min de travail,… la marge pour le petit industriel est du même ordre, pas plus mais plutôt moins car il doit payer la création, la commercialisation, la publicité, les transports, l’electricité, les taxes, les certifications, la matiètre, amortir les machines…tous des services qu’il faut payer à d’autres personnes qui preferent acheter le t-shirt à 25€ fait plus loin.
Bonne journée, Lucia
Bonjour Lucia, merci pour ce commentaire ! Concernant le made in France, je voulais souligner qu’il est difficile d’allier cette traçabilité du coton, du fabriqué local et des prix pas trop élevés. Même la plupart des marques made in France n’ont aucune idée d’où vient vraiment leur coton, s’il est mélangé, etc. Mais je ne voulais pas dire que les prix sont injustifiés, au contraire ! J’adore acheter du fabriqué français mais cela reste exceptionnel pour moi vu mon budget. Par contre si dans l’avenir des usines textiles reviennent en France, ce serait une sacrée bonne nouvelle car cela voudrait dire que les prix vont baisser et donc que le made in France pourrait se démocratiser.
Du même avis c’est plutôt cool. Surtout si c’est abordable et que ça la reste.
J’avoue que depuis que je me suis penché sur « m’habiller responsable » … Mon porte monnaie à crier de douleur …
super article, très intéressant et ravie de voir que les choses bougent enfin !! merci !
Hello,
J’ai découvert ton article sur Insta et je me suis empressée d’aller sur ton blog pour en savoir un peu plus. Merci pour cette article très intéressant qui nous permet d’y voir un peu plus claire sur cette collection en coton bio des Galeries Lafayette. Comme Coralie, je me questionne de plus en plus sur « qui fait mes vêtements » « dans quelles conditions ». Ce n’est pas évident de changer ses habitudes. Mais avec ce type d’initiative, on va petit à petit y arriver 🙂
Belle journée,
Mimi
ps: du coup j’ai twitté ton post 😉
Hello, merci beaucoup ! Contente que l’article t’ai plu. C’est vrai, pas facile de changer ses habitudes, surtout en matière de vêtements ! J’espère que ces initiatives vont se développer, surtout dans les grands magasins pour que la mode green se démocratise 🙂 Merci pour le tweet ! Bonne soirée, Manon. PS : cool ton article sur Koken ! J’étais à Bordeaux il y a quelques jours et j’ai beaucoup aimé comme toi 🙂
La mode green, hahahaha! (Le concept Green vous a-t-il « brainwaché »?). Non mais quelle naïveté, quelles niaises vous faites! Rien que le fait que ce soit fait en Inde ou dans n’importe quel pays où la main d’œuvre salariale est très peu coûteuse, ça montre la supercherie du coup marketing qui procède plus du Green washing que d’autre chose. Transiger avec une telle évidence vous rend encore plus cynique que ceux qui ne se cachent pas d’optimiser le plus possible leurs bénéfices en rognant drastiquement sur les coûts en main d’œuvre manufacturière textile (des femmes comme vous le plus souvent…). Mais continuez à vous dédouaner en disant que vous n’avez pas d’argent, ça ne justifiera jamais l’exploitation des femmes, des enfants par les grandes marques comme les galeries lafayettes, que vous encourager évidemment en achetant ces vêtements… C’est triste de voir que les adultes soient à ce point incapables d’assumer leurs responsabilités. Mais ça ne nous empêche pas de croire que vous montrez l’exemple à vos enfants.